Depuis quelques mois,
depuis mon congé maternité puis notre voyage je pense, j’ai pris conscience du
rythme auquel je vis dans mon quotidien. Ma journée, mon travail, mon week-end,
ma vie est rythmée par des listes de tâches que je dois réaliser. Ces listes ne
se terminent jamais puisque, toujours, des nouvelles tâches s’ajoutent. Depuis
quelques semaines je tente de modifier mes habitudes : moins de listes, et
changer les phrases « il faut » par « je décide de… » ou
autre chose dans ce style. Pas facile surtout que faire des listes procure également
un soulagement qui est de se libérer l’esprit : une fois noté je n’ai plus
peur de l’oublier.
Liée à ces tâches je me
pose la question : est-ce que je ne traverse pas mes journées au plus vite
en tentant d’abattre le plus de tâches possibles afin d’arriver à la
suivante ? C’est étonnant car quand j’accomplis un certain nombre
d’objectifs, j’ai une sensation de bien-être.
Et à la fois les journées passent à 100 à l’heure : j’ai l’impression que
90% de ma journée consistait à faire quelque chose au plus vite pour passer à
la tâche suivante. Ne perd-on pas notre temps, notre vie à 90% comme
cela ? Est-il possible de vivre en pleine conscience chacune de nos activités
sans penser à la suivante ? Même les récompenses : jouer avec son
bébé, prendre un bain, manger semblent devenir également des tâches à accomplir
dans la journée. Lorsque la journée se termine et que l’on s’assoit dans son
canapé a-t-on vraiment l’impression d’avoir passé une bonne journée ?
Je lisais ces dernières
semaines « No impact man », l’histoire d’un New-yorkais qui a décidé
pendant un an d’avoir un impact nul sur la planète : pas de déchets, que
des transports à pied/vélo, manger local, ne rien acheter neuf... L’intérêt de ce
livre par rapport à celui de Bea Johnson c’est qu’il ne donne pas de recette ou
de mode d’emploi mais il apporte une réflexion sur notre mode de vie actuel,
sur notre monde de sur-consommation et sur la recherche du bonheur. Concernant
le temps qui passe je vous en cite deux passages :
Une petite histoire philosophique :
Pourquoi assassines-tu l’eau ?
« Un maître zen médite sous un arbre. L’un de
ses disciples passe devant lui, chargé d’une outre, en chemin vers le puits. Un
moment plus tard, le moine repasse dans l’autre sens, en marchant si vite qu’il
renverse de l’eau. « Eh, toi ! lui crie le maître zen sous son arbre.
Pourquoi assassines-tu l’eau ? «
« Pourquoi te préoccupes tu davantage de là
où tu vas que de là où tu es ? le maître zen aurait-il pu tout aussi bien
lui demander. Pourquoi te soucies tu plus de ce que tu vas faire tout à l’heure
que de ce que tu es en train de faire ? »
Un passage citant les
psychologues positifs :
« Cette nouvelle race de psys a découvert
que les gens heureux prennent le temps d’apprécier ce qu’ils ont et de savourer
leur expérience. Ils ne se dépêchent pas de traverser « le
maintenant » pour arriver à « l’après ». Ils ne s’occupent pas
d’eux-mêmes ou de leur famille à la va-vite pour passer ensuite à quelque chose
de plus attrayant. Au contraire, ils privilégient l’instant présent, quel qu’il
soit, et y trouvent de l’intérêt. »
Je veux ralentir le
rythme. Je veux que chaque moment de ma vie même ceux qui ne sont pas agréables
(vider le lave-vaisselle, étendre le linge, rouler dans les bouchons…) ne
soient pas ressentis comme des choses qu’il « faut faire ». Mais que
je fais parce que je l'ai choisi.
Ralentir le rythme est
quelque chose de compliqué alors que toutes les avancées technologiques, le « progrès »,
poussent à nous faire gagner du temps : les smartphones, l’électroménager…
Alors qu’avant on buvait un café au bar, on était joignable par téléphone si on
était assis à notre bureau, on lisait nos mail lorsqu’on était assis devant
notre ordinateur, aujourd’hui on peut tout faire en accéléré. Encore un petit
extrait de « No impact man » :
« Avant l’avènement des transports motorisés,
du portable et des cafés à emporter, il y avait des temps de pause entre les
temps de stress. Vous aviez peut-être des rapports à présenter à votre chef,
des invitations à honorer ou des discussions tendues avec votre petite amie.
Mais entre ces moments, vous aviez du répit. Vous ne pouviez pas boire un café
tout en téléphonant dans le taxi qui vous emmenait d’un rendez-vous stressant à
un autre. Vous buviez votre café assis dans un bar. Sans téléphone pour
troubler ce moment. Vous bénéficiiez de délicieuses périodes où vous pouviez
décompresser. »
Une petite anecdote vécue
de la fenêtre de mon bureau :
Coup de frein sonore sur
la rocade, on se lève et regarde par la fenêtre : 3 voitures impliquées
dans un accrochage, l’une d’entre elles est à l’envers sur la rocade. Derrière
des dizaines de voitures s’arrêtent et s’accumulent. Les trois chauffeurs n’ont
rien, ils discutent quelques instants et commencent à déplacer les voitures
pour dégager la route. Il n’y a pas de bande d’arrêt d’urgence : les
secours vont mettre du temps à arriver et les voitures ne peuvent pas passer.
Ces 3 personnes pleines de bonne volonté (et sans conscience du danger)
commencent à travailler pour « la communauté ». A peine ont-ils
commencé à déplacer la première voiture que les premières voitures commencent à
se faufiler, à les frôler, à mettre la vie de 3 personnes en danger pour
pouvoir repartir au plus vite. Vue de notre fenêtre la scène est
hallucinante : ces trois personnes se démènent pour dégager la route et au
lieu de les sécuriser en ne bougeant pas, les voitures tentent par tous les
moyens de repartir. Qu’ont-ils donc de si urgent à faire ? Qu’est-ce qui
peut justifier de risquer une vie humaine ?
Pourquoi voulons-nous
aller toujours plus vite ? Pourquoi sommes-nous si pressés ? Vers où
courons nous en permanence ? Pourquoi ne donnons-nous pas la même
importance au moment que nous vivons par rapport à celui d’après qui
semble toujours plus important ? Pour terminer un dernier extrait de
« no impact man » qui pose une question troublante: au final ne
nous précipitons nous pas inconsciemment vers notre mort ?
« Pour chaque tâche que je dois accomplir, il
existe dans le commerce un ustensile jetable me permettant de me débarrasser de
cette corvée au plus vite. Mon existence toute entière semble régie par une
machine à fric conçue pour me faire acheter toujours plus de choses destinées à
expédier ma vie. Je suis un serpent qui se mord la queue. On dirait que
j’essaye d’en finir au plus vite… »
Extraits de « No impact man » de Colin
Beavan